
Après un café, Anne nous raconte son parcours professionnel et sa reconversion professionnelle. D’éducateur spécialisée à mandataire judiciaire à la protection des majeurs, découvrez son parcours.
Quels a été ton parcours scolaire ?
Initialement j’ai fait un bac Sciences Médico-Sociale ensuite j’ai fait un emploi jeune qui m’a permis de faire le BEATEP Enfance jeunesse. Le souhait de s’orienter sur le handicap a déjà commencé à mûrir pendant cet emploi jeune. J’avais pour mission l’intégration des enfants handicapés à l’école. Le BEATEP Enfance Jeunesse c’était vraiment pour faire de l’animation et je me rendais compte que vraiment, l’éducation spécialisée c’était ce qui me plaisait. A la fin de cet emploi jeune et du BEATEP, j’ai eu mon concours d’entrée en école d’éducateur spécialisé à l’EPIRES.
Le BEATEP, brevet d’Etat d’Animateur Technicien de l’Education Populaire et de la Jeunesse était une formation à la suite du baccalauréat créé en 1986. Il a été remplacé en 2003 par le BP JEPS, brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport.
Quel a été ton premier poste à la sortie de tes études ?
Après un an de pause, j’ai enchaîné tout de suite dans un Foyer de vie en tant qu’éducateur spécialisé. Je suis rentrée dans cet établissement en 2007 et j’en suis partie en 2019. Pendant ces 12 ans, je n’ai pas évolué, je suis restée au même poste.
Après une aussi longue carrière au même endroit, pourquoi êtes-vous partie ?
Je n’ai pas bougé. C’est peut-être la raison qui a fait que je suis partie. Et surtout parce que normalement c’est un métier où il y avait trois types de formation : les éducateurs spécialisés, les moniteurs-éducateurs et les AMP. C’est trois degrés différents. J’étais donc en tant qu’éducateur spécialisé au degré le plus haut mais tout le monde avait les mêmes missions. Donc ce n’était pas très valorisant. C’était une boîte où tout le monde faisait la même chose. Donc finalement je me questionnais pas mal le fait d’embaucher des gens qui étaient qualifiés pour certaines choses et qui ne faisaient pas forcément ces choses.
D’où l’idée de devenir mandataire judiciaire à la protection des majeurs vous êtes venu ?
En fait, pendant ma formation d’éducateur spécialisé, j’ai fait trois stages. Pendant mon stage de deuxième année, j’étais en association tutélaire. Et ça a été un peu une révélation. C’était un domaine qui m’attirait énormément parce que dans l’éducation spécialisée tu touches à tout. Tu touches à la personne, à la famille, au travail. Tu travailles beaucoup avec des partenaires. C’était quelque chose qui était resté dans un coin de ma tête mais en même temps on ne fait pas ça quand on a 20 ans. C’est un boulot où il faut un peu de bouteille.
Avez-vous directement quitté votre emploi ?
Alors non, j’ai eu cette chance d’être en fonction publique hospitalière. Donc d’être fonctionnaire. Avec des plans de formation annuels j’ai pu faire avec une collègue en décalage d’un an une formation en cours d’emploi. C’est-à-dire la formation et le poste au Foyer de vie.
Quelle a été la formation que vous avez suivie ?
Moi j’avais le choix entre la fac de droit et les écoles de travailleurs sociaux. Moi j’avais fait le choix de la fac de droit pour passer mon certificat national de compétence de mandataire judiciaire à la protection des majeurs (CM-MJPM) parce que justement j’étais issue d’un institut de formation de travailleurs sociaux. J’avais envie de voir autre chose aussi. J’ai donc fait ce CNC en 2013 sur 10 mois. De septembre 2013 à juin 2014 puis en décembre 2014, j’ai eu l’agrément car le certificat national ne suffit pas. Il faut aussi un agrément départemental. J’ai ensuite prêté serment fin janvier 2015 et début janvier j’ai eu ma première mesure.
La formation que vous avez suivie vous a-t-elle préparé pour le terrain ?
Il y a eu plein de choses, du droit, un peu de médecine, du droit des assurances. C’est une formation qui est riche, condensée, qui n’est pas hyper poussée mais qui est très complète. Il y a un stage d’inclue dans la formation. Il dure 10 mois. J’ai pu le faire auprès de deux mandataires indépendants. C’est le stage qui fait un petit peu parler tout ce qui est très théorique pour le coup.
Comment s’est passée la transition entre les deux emplois ?
Donc en fait, j’ai cumulé les deux pendant quatre ans. Il n’y a pas eu de transition nette. Moi j’ai pu faire ça pendant et pour le coup c’était quand même la meilleure configuration. J’étais déjà à 80% sur les dernières années, environ depuis 2009. Ensuite j’ai augmenté le nombre de mesures. Je suis passé à un temps de travail à 50%, ce qui m’a permis de monter encore en capacité de mesure. Et donc en 2019 j’ai fait le choix de partir.
Avez-vous eu des hésitations au fur et à mesure de l’avancement ?
C’est vrai que je quittais un emploi de fonctionnaire avec tout ce que cela représente. Effectivement, on avait pas mal de congés, on n’était pas super bien payés à l’époque, aujourd’hui ce n’est plus le cas. Mais j’avais quand même beaucoup d’avantages : un super comité d’entreprise. Je suis passée d’un statut de fonctionnaire à un statut de travailleur indépendant avec tout ce que cela représente, pas de sécurité sociale, peu de cotisations chômage. C’était plus précaire en condition de travail pour le coup.
A-t-il un lien entre le métier d’éducateur spécialisé et le métier de mandataire judiciaire à la protection des majeurs ?
Ce qui fait le lien entre les deux métiers c’est l’accompagnement que j’y mets. C’est certes un mandat de justice qui est imposé mais c’est un public que je connais. Je sais l’approcher, l’accompagner. Donc ça reste des personnes avec les mêmes difficultés c’est-à-dire que je peux être amenée à être la tutrice de personnes dans le foyer de vie dans lequel j’ai travaillé. Mes compétences d’éducateur spécialisé m’aident dans la relation et dans l’accompagnement, je pense que c’est un énorme plus.
Comment vivez-vous au quotidien ce métier ? Quels changements dans votre vie ?
C’est un travail où l’on est beaucoup seul. On a effectivement fait le choix de se regrouper de manière informelle avec d’autres mandataires. Si tu ne cherches pas un peu de compagnie, tu es autonome en fait. Quand on est nommée mandataire indépendante, on est nommé en notre nom propre on ne peut pas mutualiser avec d’autres. On se regroupe pour les mois et demi ou tous les deux mois et on parle des difficultés de l’on rencontre pour prendre un peu de recul sur ce que l’on fait. C’est un métier lourd, il y a des situations qui sont lourdes à gérer.
Pensez-vous à une autre reconversion ?
Parfois j’y pense quand j’en ai maire. Mais en même temps je ne sais pas si je sais faire autre chose d’autre. Je n’ai pas fait de bilan de compétence lors de ma reconversion professionnelle D’où l’intérêt aujourd’hui d’un bilan de compétence qui m’offrirait peut-être une piste de travail à laquelle je n’ai pas du tout réfléchi. Mais au fond je crois que c’est ce que j’aime travailler avec les gens mais c’est aussi ce qui est lourd dans ce métier.